Bois d'Arménie

Les premières compositions de la gamme exclusif de Guerlain « Art et Matière » étaient la Rose Barbare, Angélique Noire et Cuir Beluga. La note boisée n’était pas représentée dans cette gamme, c’est alors qu’est venue l’idée ! Ce sera la 4ème composition de la gamme, qui va bientôt s’agrandir avec l’arrivée très attendue de la 7ème composition : Tonka Impériale.

Inspiration et association

J’avais gardé un merveilleux souvenir du papier d’Arménie. En effet, ma mère découpait minutieusement la lamelle parfumée du carnet ressemblant à du papier buvard de couleur jaune, la pliait en accordéon, enflammait le coin et ensuite la laissait consumer. Le parfum s’emparait alors de la maison et j’avoue que ces effluves vanillées et épicées m’ont fortement marquées et me rappellent avec beaucoup d’émotion l’ambiance du salon de la maison de mon enfance, donnant un « air exotique » à mon Nord natal. L’idée du papier d'Arménie fut l’idée de départ que nous avons choisi avec Annick Ménardo, également accroc de cette note ! Le travail laborieux fut d’habiller cet accord de multiples facettes et le faire devenir « Parfum », pas seulement un beau parfum mais un parfum Guerlain.

Histoire et secrets de famille

Le papier d’Arménie existe environ depuis 130 années et a ma grande surprise, il est totalement méconnu des arméniens. Sa fabrication se fait aux portes de Paris, à Montrouge exactement et très précisément sur rue Morel. Il a été mis au point en 1885 par le chimiste Auguste Ponsot et le pharmacien Henri Rivier. Après un voyage en Arménie, les poches remplies de cristaux dorés de benjoin, se sont dit que non seulement cette senteur était délicieuse mais de plus elle est intéressante car elle est antiseptique.

Tous les deux imaginent une formule et ont l’idée géniale d’imprégner du papier buvard de ce liquide secret, sous la forme d’un petit carnet : produit nomade par excellence. Le pharmacien rachète les parts de son ami Ponsot et c’est actuellement l’arrière petite-fille de Henri Rivier Madame Schwartz, qui a réussi non seulement à respecter le patrimoine de ses ancêtres, mais également a donné un second souffle à la petite entreprise familiale. La fabrication reste encore naturelle de A à Z, avec environ 10 personnes en charge de la fabrication, de l’aspect commercial et autres.

La recette est bien évidemment très secrète, mais j’ai réussi a savoir que les résines de benjoin associées à un mélange très complexe de plantes et d’épices sont macérées à l’alcool durant trois mois. Les immenses feuilles de papier buvard sont ensuite baignées dans cette composition par paquet de cinquante, c’est ainsi qu’elles prennent la teinte rouge, elles passent ensuite sous une presse de 20 kg environ pendant encore quelques semaines, puis seront séchées, massicotées, pour composer enfin le carnet de douze feuilles. Le composant principal du papier d’Arménie est le benjoin du Laos.

Résine magique, résine envoutante

Le benjoin est un baume qui découle naturellement ou par incision du tronc d’un arbre de la famille des Styracées, c'est le styrax Benzoïn. Il nous vient de Siam et de Sumatra. Cette exsudation est en réalité une réaction pathologique de l’arbre. Elle est aussi appelée gomme ou larme de benjoin. Elle est de couleur blanche lorsqu’elle est liquide et passe au jaune en séchant. Quand on la récolte, elle est déjà semi-solide.

Le benjoin de Siam est la variété la plus recherchée par les parfumeurs. C’est la plus rare et donc la plus chère. Elle présente une facette vanillée très présente. Le benjoin de Sumatra comprend 2 variétés telles que le benjoin amygdaloïde qui est le benjoin officinal employé en fumigation ou en teinture et le benjoin commun qui ne sert qu’à l’extraction de l’acide benzoïque.

Les larmes de benjoin développent un parfum très suave, très apprécié dans les temples bouddhistes où il est utilisé « comme notre encens ». En effet, le benjoin a longtemps été considéré comme une variété d’encens ou de myrrhe et comme une substance précieuse. Il joua aussi son rôle dans le soin des maladies pulmonaires et de la peau, car il est antiseptique. Il permet aussi de renouveler l’air et de le purifier, a été très longtemps utilisé notamment à Kuala Lumpur pour éloigner des maladies comme le choléra. En parfumerie, la gomme est traitée par extraction aux solvants volatiles pour obtenir l’absolu benjoin.

Description olfactive : vanillé doux, amandé, café grillé, miellé, floral (œillet), riche, liquoreux, médicamenteux.

N.B : il est utilisé dans un de nos produits fétiches le baume de la Ferté, extraordinaire pour toutes les gerçures et crevasses. J’ai également aimé travaillé le benjoin dans L’Instant de Guerlain féminin qui a été un élément déterminant de la composition.

Fragrance mystique, envoutante, masculine, féminine ?

Comme tous les parfums de la gamme « Art et Matière », ils ont été pensés pour les femmes et également pour les hommes. Mais j’ai plus eu l’occasion de le sentir sur des peaux d’hommes et j’avoue que je craque à chaque fois que je le sens. Comme beaucoup de parfums Guerlain, il mérite d’être découvert sur la peau. La mouillette ne lui rend pas service ! Le thème principal étant le benjoin, nous avons pensé a l’accompagner d’autres notes mystiques comme l’encens. Qui oserait lui contester le piquant du poivre noir et de la coriandre en tête ? Son coeur bat la chamade sous les œillades du bois de gaiac, avant de sombrer sous la fougue du patchouli, accompagné de baume de copahu.

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